La nouvelle du jour est que le prix « juste » de l’internet est de 65 € par an. J’en tomberai si je n’étais déjà assis. Le n’importe quoi de ce chiffre est tellement immense que je me demande par quel bout le prendre.
Prenons-le de front, et même de front national et demandons-lui son origine. Il a été calculé en prenant les dépenses des annonceurs sur une année, divisées par le nombre d’internautes. Cela en fait-il un français de souche ? Là n’est pas la question. La question est : en quoi cela fait-il un « prix juste » de l’internet ?
La réponse est, je vous le donne en mille : en rien. Le seul enseignement de cette division à peine euclidienne est que nous, internautes, payons chacun de notre poche de l’ordre de 65 € annuellement pour être contraints à utiliser des bloqueurs de pub. Les ressources publicitaires ne viennent pas du néant, elles ne sont pas générées à partir du vide intersidéral comme une ligne de crédit à la BCE. Elles viennent des clients finaux, de vous et moi, qui paient pour des choses qu’on achète. Une partie de ce prix sert à faire de la réclame en général et de la réclame sur l’internet en particulier. On paie donc pour avoir de la réclame sur le ouèbe.
Je suis soufflé par l’absence vertigineuse de sens critique de tous ces médias qui reprennent cette information. Tous reprennent le mantra « c’est la publicité qui fait un internet gratuit. » sans se poser la moindre question sur la pertinence de cette proposition. Personne ne se souvient avoir fait un tour sur Wikipédia, pourtant le cinquième site le plus consulté et sans réclame. Cher visiteur qui venez vous perdre ici, j’espère que vous vîtes que notre relation n’est aucunement vénale. Les universités dispensent leur savoir sans pub. Quantité de sites ne sont pas affiliés à la publicité au grand dam de Google. J’espère que votre banque en ligne ne vous inonde pas de pub, les services gouvernementaux non plus. Et pourtant, ce sont des choses importantes, bien plus importantes que les critiques des derniers épisodes de Mon Petit Poney. Sans publicité, peut-être que le débat sur la couleur de la crinière d’un bisounours disparaît, peut-être. Mais ni Wikipédia ni impots.gouv.fr ne seraient impactés.
Et surtout, surtout : l’internet n’est pas le web. L’internet n’est que l’interconnexion de réseaux. Le peer-to-peer n’a pas de pub en soi, le transfert de fichiers non plus. Le mél utilise l’internet, il est essentiellement compris dans le prix de l’abonnement.
J’aime aussi la lecture des résultats du sondage. Un pignouf sur trois serait prêt à payer pour ne pas avoir de réclame sur le ouèbe. Et on trouve que c’est « encourageant ». Moi, je trouve que c’est désolant. Le prix de l’internet n’a même aucun sens. C’est l’interconnexion des réseaux, c’est ça l’Internet. Est-ce que vous seriez prêts à payer pour que votre lampe de bureau reste branchée sur le courant ? Est-ce que ça a seulement un sens ? Et le ouèbe lui-même n’est qu’une convention, un protocole.
Je suis consterné.
Petite liste d’articles infâmants pour l’intelligence :
http://pro.clubic.com/webmarketing/publicite-en-ligne/actualite-742981-pub-opinionway-mozoo.html
http://www.20minutes.fr/economie/1493963-20141203-publicite-internet-50-francais-prets-payer-debarrasser
http://www.leparisien.fr/high-tech/les-francais-refusent-de-financer-un-internet-sans-publicite-03-12-2014-4346671.php