Dans les années 1990, dans ma petite ville de province, l’informatique est entrée dans les agences bancaires. L’époque était à l’espoir, beaucoup disaient : « Avec l’informatique, finie la paperasse ! ».
En 2012, le petit sauvage est allergique au lait de vache. Aucun rapport. Sauf que. À Guyancourt, dans les crèches, pour donner autre chose que du lait en boîte de supermarché et des petits pots, c’est Astérix dans la maison qui rend fou. Nous, on a un défaut majeur : on réfléchit. Et on fait des essais, aussi. Oui, ce côté DIY, c’est limite hacktiviste, Anonymous, peut-être même Wikileaks. Toujours est-il qu’on a trouvé, suite à une procédure qu’un étudiant de licence 1ère année en biologie pourrait concevoir, que le sauvageon explose après absorption de vache. Bon. Y’aurait que nous, on zappe les meuhs, et basta. Mais. Y’a la crèche. Déjà qu’il faut signer un papelard pour ne pas qu’ils fassent une jaunisse si on se pointe averc un demi-biberon de lait maternel dans une ambulance de greffe d’organe. Mais pour le complément, on ne peut pas lui filer une boîte de lait hypo-allergénique comme ça, au débotté. Non. Il faut une ordonnance. Et pour avoir une ordonnance, il faut convaincre un toubib : « Bonjour Dr, merci de signer une ordonnance qui entérine ce que nous avons observé. À part ça, bravo pour vos douze ans d’études. » Ce bout de papier illisible est le sésame de l’asile. Parce qu’il n’est pas suffisant. Il permet, si j’ai tout bien suivi mais j’étais à jeun, de lancer la rédaction d’un certificat ouvrant droit à un protocole personnalisé pour l’aménagement du suivi alimentaire. Protocole qui doit être signé par : le pédiatre sus-cité, l’allergologue de la crèche, le médecin traitant, les parents, la direction de la crèche, l’assistante maternelle en charge du sauvageon, mais curieusement, pas le principal concerné.. J’ai peut-être oublié le préfet et le doyen de la fac, mais j’ai eu tout ça à l’oral uniquement. Tout ça, je le rappelle, pour aller chercher une boîte de lait à la pharmacie d’à côté. Ce qui fait : une consultation du pédiatre, une consultation d’allergologue, un dossier à l’assurance maladie, quelques heures de fonctionnariat local, pour une boîte de lait. Et pendant tout ce temps, l’allergique, qu’est-ce qu’il mange ?