Une histoire alambiquée

Judith pesta. Énervée, le bonnet de travers et les manches relevées, elle contemplait l’ampleur du désastre. Une fumée âcre s’élevait d’un genre de chaudron plutôt particulier : son ouverture était assez étroite, et sa matière luisante. Il était noir comme de la suie, posé sur les braises du foyer – un foyer également peu commun, qui tenait plus de la forge de campagne que de l’honnête cheminée à chenets que l’imaginaire collectif place dans les chaumières inquiétantes des sorcières compétentes. Un peu plus loin gisait une flasque qui déversait son contenu sur le sol en glougloutant joyeusement.

« Ben y’a pas vraiment de raison d’être joyeux », commenta Judith, tandis que le liquide déversé par la flasque s’attaquait au carrelage dans une ébullition enthousiaste. Il bouillonnait sa joie d’être libéré du carcan oppresseur de son contenant en courant à fines bulles le long des joints des carreaux de céramique.
Alors que l’opératrice se proposait de calmer violemment tous ces gais épanchements à grands coups de pelletées de cendres, il se passa ce qui se passe toujours quand on est très occupé et qu’on n’a pas encore inventé le téléphone : on toqua à la porte.

« Salut, Judith ! Dis, j’étais venu te demander un service, je peux entrer ? »

Forcément, dans ces moments-là, on panique un peu et on peut se tromper tout à fait innocemment. Il est par exemple parfaitement imaginable de se retourner brusquement la pelle à la main et, voyant la cendre partir, de chercher à la rattraper en allongeant prestement les bras. C’est un geste malheureux qui peut arriver, avec des conséquences qui peuvent être fâcheuses, notamment quand la tête du visiteur se trouve dans la trajectoire. Il faut donc reprendre ses esprits et évaluer correctement la situation. Bon, le visiteur étant par terre, allongé par un coup de pelle chargé de potasse, il ne tombera pas plus bas. Sauf si évidemment le carrelage continue à être creusé au vitriol. Enfin c’est pas vraiment du vitriol, c’est du… Enfin bref, c’est pas le moment pour de l’identification, il faut le neutraliser. Pas neutraliser le visiteur, c’est déjà fait. Neutraliser le liquide, qui est parti pour desceller tout le carrelage du séjour dans un élan de bonhommie qui fait pourtant plaisir à voir. Le neutraliser avec, par exemple, la potasse qui est sur la figure de… qui c’est ? Il a le visage plein de poussière, comment le reconnaître ? Non, attends, j’ai le vitriol qui… C’est pas le plus important. Donc, il faut récupérer la potasse rapidement sur le visiteur pour la mettre sur l’acide. Réfléchis vite et bien, Judith. Je crois en toi. Ni une ni deux, Judith va donc quérir de quoi amener, par gravité, les particules de cendres en contact intime avec le liquide bouillonnant : la bassine d’eau de vaisselle qu’elle se proposait de filer au cochon, et qu’elle déverse donc hardiment sur la bobine inerte de …
« Tiens donc, Hyacinthe ? Tu es réveillé ?
– Remeuneuh brôôôô.
– Oui, moi aussi je suis contente de te voir, mais la prochaine fois que tu entres, éloigne-toi de la porte, je n’ai pas eu l’occasion de changer le carreau depuis la dernière fois. »

Il faut en effet préciser que la porte d’entrée était ordinairement pourvue d’un carreau de verre destiné à bien séparer l’intérieur de l’extérieur, comme disent les mathématiciens topologues. Mais la semaine précédente, une expérience de projection extra-corporelle avait un peu trop bien réussi et avait quelque peu fait voler en éclat ces notions élémentaires de dedans-dehors en projetant le corps de Denis Chouppard à plus de 114 lieues à l’heure par la porte. Laquelle, n’ayant pas eu la présence d’esprit de tourner sur ses gonds, avait dû céder sa vitre et la priorité à un Denis visiblement trop pressé pour actionner la poignée. A sa décharge, l’esprit de Denis, à cet instant totalement séparé de son corps, était resté à proximité du tube de fonte dans lequel Denis avait été invité à insérer la tête pour cette expérimentation de projection extra-corporelle. Et sans esprit, le corps manque d’un à-propos suffisant pour ne serait-ce que s’essuyer les pieds sur le tapis, alors ouvrir décemment une porte, pensez donc.

– Gnémalalatête.

– Oui, alors pour ça, il faut bien s’hydrater… J’ai la nette impression que tu me regardes de travers. Oui, mais l’hydratation, c’est l’eau en usage interne, la bassine ne compte pas. »

Quelques minutes plus tard, Hyacinthe était allongé avec un linge humide sur les yeux, dans l’obscurité la plus totale et sous les yeux d’une Judith dont le visage profitait de l’invisibilité temporaire pour faire toutes les grimaces exprimant le remords et la contrition.

Leçon d’informatique pour mon fils

Mon grand, tu a commencé la programmation en Python. Excellent choix, vraiment. Ce n’est pas celui que j’aurai fait, mais uniquement parce que je suis un vieux grincheux qui fait de l’urticaire devant des espaces signifiants.

Tu a commencé à programmer un jeu de type plate-forme en 2D, et c’est très bien. Et pour arriver à cela, tu as commencé à penser aux déplacements de ton personnage. Ainsi donc pourvu de ton but, tu as redécouvert :

L’intégration numérique.

Ca claque, comme nom, hein ? Ca en jette, c’est stylé.

Mais on ne sait pas ce que c’est.

Alors, pour déplacer, mettons un bonhomme, sur un écran, on peut le déplacer par bonds. C’était la première méthode utilisée dans les jeux vidéo, c’est le truc le plus intuitif. Quand j’appuie sur la flèche droite, j’ajoute, mettons 5, à sa position horizontale, et puis c’est marre. Quand j’appuie sur la flèche gauche, j’enlève 5 et on a fait les 2 côtés à la même vitesse et puis voilà.

Ca marche très bien, et ça donnait ce délicat mouvement hyper saccadé et ingérable des mauvais premiers jeux vidéos.

L’autre possibilité, c’est que l’appui sur une touche ne modifie pas la position du bonhomme, mais sa vitesse. Et là c’est autre chose. Là on fait de l’intégration numérique.

Qu’est-ce que la vitesse ? Hé bien, la vitesse, c’est la distance que tu parcours en une seconde. C’est une distance divisée par un temps. 1 mètre par seconde, qui fait donc 60 mètres par minute, soit 3,6 km/h pour peu qu’on sache multiplier par 60.

Donc, quand tu appuies sur une touche, tu donnes la vitesse de ton personnage. Et quand tu arrêtes d’appuyer, formidable, tu ne donnes plus la vitesse à ton personnage. Sa vitesse évoluera selon des paramètres extérieurs, comme la texture du sol, par exemple. Dans la colle il s’arrêtera vite, sur une patinoire… ça mettra plus de temps. Bon, au pire on mettra des murs pour ne pas qu’il traverse le niveau « Reine des neiges » en 5′ 7.

Très bien, me diras-tu fort justement, mais comment transformé-je cette vitesse en position sur l’écran ? Parce que moi, observeras-tu, je dois afficher mon bonhomme à une certaine position qui bouge tout le temps, pas à une certaine vitesse globalement constante.

Et oui. Et donc, à chaque image, on veut transformer une vitesse – qui est une distance divisée par un temps, en distance (une coordonnée, c’est une distance par rapport à un point de référence). Et pour transformer une distance divisée par un temps en distance pas divisée, et bien… il faut multiplier par ce qu’on divise, c’est à dire un temps. Une vitesse multipliée par un temps, c’est une distance ! J’ai nagé une demie heure à 2,4 km/h, ça fait 2,4 km/h * 0,5 h = 2,4 km/h * 1/2 h = 1,2 km/h*h = 1,2 km tout court ! J’ai nagé 1,2 km.

A chaque image, donc, tu ajoutes à la position de ton personnage sa vitesse, multipliée par le temps écoulé depuis l’image précédente. Cette opération de multiplication par le temps écoulé s’appelle une intégration numérique.

L’intégration numérique est la base fondamentale de la simulation sur ordinateur. Cette idée de multiplier une vitesse par un temps s’applique à beaucoup, beaucoup de grandeurs physiques. Un poids sur une surface, c’est une pression, par exemple. Une pression multipliée par une surface va donc pouvoir te ramener à un poids, ce poids probablement à une masse, et cette masse, via la densité (c’est une masse divisée par un volume), te donnera un volume, par exemple.

Le secret, c’est qu’à chaque image, entre deux courts instants, la vitesse va pouvoir évoluer. Et ces variations de vitesse seront ainsi appliquées à la position, qui intégrera conséquemment toutes ces variations. Elle intégrera toutes ces variations… C’est une intégration… Et comme ce n’est pas fait avec des formules mathématiques, mais directement avec les nombres, c’est une intégration numérique.

C’est ça, l’intégration numérique : c’est appliquer par petits bouts toutes les modifications quand elles apparaissent, pour les intégrer dans le résultat final. C’est ce que tu fais quand tu appliques la vitesse à la position de ton bonhomme de jeu vidéo…

Allez, zou, au turbin !

Confrontation avec un chat – version Papou

Les poings serrés au fond
Des poches de mon blouson
Je flippe encore à mort : je dois déménager,
J’accuse le bon Dieu, et la fatalité.

Alors ce soir,
Au lieu d’être en rencard,
Je chercherai une maison,
Une maison,
Avec un toit, et des pignons,
Je chercherai une prison, une prison…

C’est quoi c’te masure ? Franchement, on dirait qu’elle a été dessinée par Numérobis un soir d’Halloween… Y’a rien de droit, on dirait qu’elle va s’effondrer. Y’a le crépi qui se détache par plaques. Les volets sont disjoints. Y’a des câbles qui pendent sous les fenêtres.

« Elle est bien, hein ?
– Aaaaah !, hurlé-je, surpris par cette voix venue de nulle part.
– Panique pas comme ça, mon poussin. »
La voix est rauque et lente dans l’obscurité de cette nuit d’automne.
« Où êtes-vous ? Qui êtes-vous ?, dis-je en cherchant mon interlocuteur.
– Derrière toi, mon chou. »
J’ai horreur qu’on soit familier avec moi.
« Me parlez pas comme ça ! Où ça ?
– Un peu plus bas. »
Je baisse mon regard. Rien.
« Je ne vois pas.
– Plus bas. »
Si je baisse mon regard davantage, je parle vraiment à un nabot.
« Y’a rien.
– Hé, ho, on ne va pas s’insulter tout de suite.
– Y’a rien quand même.
– Si. Un tout petit peu à gauche. Là. Dans les yeux.
– Un chat ?
– Non, un kaléidoscope à rogatons biréfringents. Et arrête de regarder ta gourde comme ça, c’était de la grenadine normale. »
L’hallu totale. Je me fais invectiver par un chat. En français dans le texte.
 » D’une : un chat noir dans une rue sombre de nuit, j’ai connu des situations plus claires. De deux : les chats ne sont pas censés parler. Sont pas équipé pour.
– Les laryngotrachéoto… Les lagoryntropi… Les laryngo… Les mecs qu’ont eu un cancer de la gorge non plus. Et pourtant ils parlent quand même. »
C’est n’importe quoi. Ce compagnon de sorcière, noir comme un sac de charbon, non content de faire insulte à 10 siècles de traités de zoologie, ferait même mine d’avoir plus de vocabulaire que moi.
 » D’où sortez-vous ?
– De chez moi.
– Et c’est où, ça ? Quelle est l’adresse de votre gouttière ?
– Pop pop pop, mon garçon. »
Le chat, qui se léchait la patte, vient tourner autour de mes jambes.
« Je ne suis pas un de ces matous des rues qui rôdent autour des souricières. J’ai de la civilitude, de la classe, de la raffinité. Je vis dans le grenier d’une vieille dame, qui est persuadée qu’elle a une chouette au-dessus de chez elle. Et toi, mon poussin, tu crèches ?
– Je… je cherche un logement, bafouillé-je.
– Hé hé hé… Je le savais. »
Le chat se roule par terre, s’arrête et me regarde dans les yeux en sortant ses griffes.
« Tu ne pouvais pas mieux tomber, ma souris. Tu es chez le meilleur agent immobilier du coin.
– Agent immobilier ?
– Agent immobilier. »
Le chat s’assoit, et essaie de me regarder de haut. Peine perdue. Cela donne un regard orienté vers le bas sur une tête à la renverse : pas très convaincant.
« Mon p’tit chat, tu as devant toi le meilleur expert en baraques abandonnées, grenier poussiéreux et autres endroits oubliés de votre espèce. Une quantité d’affaires… incroyable !
– Mouais. Pas certain d’être très motivé par les toits branlants et les mansardes pluvieuses.
– Tout ces trésors oubliés ne méritent qu’un tout petit peu d’attention. Attention que notre espèce accorde et pour laquelle les proprios nous remercient.
– Les proprios ?
– Oui, ils aiment beaucoup notre système de surveillance.
– De surveill… Et puis comment ça, « notre » ?
– On ne peut pas gérer la sécurité d’un quartier à soi tout seul. Donc oui, nous sommes un réseau. Le meilleur !
– Le meilleur ? Parce qu’il y en a d’autre ?
– Oui. »
Le chat est visiblement fâché. Il détourne la tête, feule et, après un moment, continue :
« Les piafs. Ils voient tout, tout le temps, partout. On ne peut pas traverser une rue sans qu’ils soient au courant. Tiens, je suis sûr qu’ils nous voient, là. Ils voient que je cherche un client. A mon avis ils vont se venger. T’étonnes pas si tu te prends une fiente sur le paletot un de ces 4, mon mignon. »
Splotch.
« Ah. Qu’est-ce que je disais…
– Hé mais ! J’ai rien à voir dans votre guerre, moi !
– T’inquiète mon petit rat. J’en boulotterai 2-3 en représailles et on n’en parlera plus. En attendant vient te mettre à l’abri. »
Et il grimpe prestement la gouttière. Je prends appui dessus. La gouttière bouge et s’offusque, dans un horrible graillement métallique, d’un tel traitement.
« Mais qu’il est cruche. Passe par la porte, tête de piaf ! »
Hum. Effectivement, c’est plus approprié. Enfin, je ne sais pas. Pour entrer dans le bureau d’un chat, quel est le protocole ?
« Ah ben te voilà. Tu en as mis le temps.
– M. le modèle réduit d’ocelot, vu que je dois faire 10 fois votre poids, je suis particulièrement efficace si je mets moins de 10 fois le temps dont vous avez besoin pour faire quoi que ce soit… Y compris vous attraper par le col pour vous faire essayer les techniques de surveillance de vos concurrents : le vol. Bon. Et si vous saviez que je cherche un logement, que savez-vous d’autre sur moi ?
– Moi ? Oh, trois fois rien, Nanard… Je peux t’appeler Nanard ? Bernard Alicorne, je n’aime pas beaucoup, ça fait béat… Alors, voyons voyons…
– Mais d’où sortent ces fiches ?
– De nos services de renseignement. Tu écoutes quand je parle, mon chat ?
– Non mais… Enfin, je veux dire… A part sous les yeux, où avez-vous des poches ? »
Le chat me regarde intensément.
« Non, rien, en fait je préfère ne pas savoir. Enfin, si, quand même. Comment faites-vous pour écrire ? »
Le chat me tend une fiche recouverte d’une écriture torturée, anguleuse et fine.
« Oh. Je vois. Les mouches. Oui. Pas les meilleurs scribes, mais enfin, on fait avec ce qu’on a, hein ?
– Donc je disais : Bernard Alicorne, natif du Vercors le 3 août … Le 3 août… C’est un 6 ou un 9 ? Hé ben, mon vieux t’es pas tout jeune ! Ca te fait dans les combien, ça ? 2028 moins 1698..
– 9. C’est un 9. Définitivement. Sinon les services administratifs vont se poser des questions. Et on n’est pas en 2028. Enfin j’espère.
– Vit seul, dans un endroit reculé, pas de famille proche, un oncle dans la politique. Petit lit, pas de relation connue, vêtements essentiellement marron, se fait livrer une pizza ananas-anchois le jeudi soir avec un soda. Hé ben, c’est pas fameux-fameux, ça, hein. Tu es dépressif ? Tu veux te suicider en mourant d’ennui, c’est ça ? Une vrai vie d’ermite, hein, mon Bernard ?
– Je ne l’ai pas vue venir, celle-là…
– Ah si, quand même.
– Quoi ?
– Et bien, il semblerait qu’on aime bien…
– Qu’on aime bien quoi ?
– Je ne sais pas… Ce n’est pas très reluisant quand même..
– Mais ? Je ? Comment vous savez ?
– Hé hé hé… Nous avons des yeux partout… Keuf, keuf, keuf… Rheuh, rheuh… »
Le chat a manifestement du mal à respirer.
« Ca va ?
– Une seconde. Te-heu, te-heu, te-heu.
– Un chat dans la gorge, peut-être ? »
S’il eut été possible de jeter un regard noir avec des yeux jaunes, ce chat l’aurait fait.
Mais il est là, hoquetant, et il s’agrippe au sol, la tête faisant des mouvements de va-et-vient dénués de sens. Jusqu’à vomir un petit paquet sur le plancher.
« Reuh… Boule de poils.
– Oh.
– Mais je te tiens, rascal !
– Hein ?
– Alors comme ça, on a mis une tapette sous son oreiller pour attraper la petite souris ? C’est vilain, ça, ça pourrait se savoir !
– Oh, on joue au chantage ? Parce que là, vous venez de vous lécher l’entrepatte 4 fois en moins de 5 minutes, donc l’histoire de la tapette, à côté, c’est du pipi de chat ! Enfin… Si je peux dire.
– Bon, mon chou, venons-en au fait : tu es fauché comme les blés, et moi, cette année, j’ai pas atteint mes objectifs. Donc je te propose un deal.
– Vos objectifs ?
– Mes objectifs. Je croyais avoir dit que j’étais agent immobilier ?
– Euh, oui, mais euh… avec des objectifs ?
– Quel commercial n’en a pas ?
– C’est pas faux. Et donc, vous voulez vous refaire à mes dépens ?
– Ce n’est pas vraiment comme ça que je voulais le présenter… Disons que je crois aux signes du destin.
– Oh oh, vous êtes superstitieux ?
– Disons que j’essaie de voir les indices que l’univers m’envoie.
– Hé ben. Déjà que je tombe sur un minou qui cause, en plus il est dans la milice, et pour couronner le tout il est aussi superstitieux qu’il est noir.
– Dites-donc, votre sécurité laisse à désirer, je viens de voir passer un rat gros comme mon bras.
– Oui, et ?
– Et bien, la sécurité n’est-elle pas censée intervenir ?
– Oh mais nous l’avons fait. La compagnie de dératisation est prévenue.
– Mais ? En tant que chat, vous ne traitez pas le problème vous-même ?
– Frérot, t’as vu la taille du mulot ? J’ai pas envie de m’en ramasser une… Pardon. De toute façon il s’agit de l’un de nos informateurs. On ne va pas coffrer nos informateurs.
– Mouais. Surveiller les maisons en utilisant les nuisibles, le business plan ne me paraît pas fabuleux.
– C’est ça, c’est ça. Écoute ma souris, ça devient urgent. T’es en carafe, je suis en carafe, t’as personne, je suis chef de famille, je te trouve la bicoque et tu nous héberges. Réglo, non ? »
Mort de rire, que j’étais. Mort de rire.
« Ah, ah, ah ! Ah la bonne blague !
– C’est pas gentil, ça !
– Non mais c’est pas ça, c’est parce que … commençai-je à gorge déployée. »
Et à rire ainsi, aspirant l’air poussiéreux de ce taudis à chats, la gorge se met à me piquer.
« Ah, reuh, ah, reuh. teuh, teuh, teuh…
– Boule de poils ?
– Non, teuheu, teuheu, teuheu…
– Accident vasculaire cérébral ?
– Non, keuf, keuf… Il faut que je sorte… Vivre avec ta famille, ça va pas être possible mon minou.
– Oui ben c’est pas la peine de pleurer.
– Je ne fais pas exprès. De l’air, vite !
– Par ici !
– Et barre-toi, le minou !
– Hé mais ! Un peu de politesse !
– Je suis allergique aux chats !!!! Sauve-moi : cours ! »

Confrontation avec un chat

Une histoire de Niels

« Qui êtes-vous ?
– Un chat.
– Ça, je l’avais deviné.
– Eh bien, oui, ça se voit.
– Où vivez-vous ?
– Dans le grenier d’une vieille dame.
– Pourquoi ?
– Parce que je préfère ça que d’être dehors la nuit.
– Vous chassez les souris ?
– Ça m’arrive.
– Vous aimez la souris ?
– Pas mal, oui.
– Vous travaillez ?
– Oui.
– Pour qui ?
– Pour une agence immobilière.
– Vous vous moquez de moi ?
– Non.
– Une agence immobilière ?
– Oui. Je repère les maisons vides, abandonnées, celles qui ont besoin d’un peu d’attention. Je suis un expert en recoins oubliés et en greniers poussiéreux.
– C’est une blague, c’est ça ? Vous êtes un chat…
– Est-ce que je vous semble en train de plaisanter ?
– Mais enfin, comment un chat peut-il travailler dans l’immobilier ?
– Il suffit d’être observateur. Vous, les humains, vous passez à côté de tout. Moi, je vois les détails : les fuites d’eau, les murs qui grincent, les jardins à l’abandon… Vous seriez surpris de savoir à quel point un chat peut être un bon éclaireur. »

Je restais bouche bée. Ce chat, assis en face de moi, me fixait de ses yeux jaunes, parfaitement sérieux, comme si notre conversation était des plus normales.

« Vous… vous n’êtes pas un chat ordinaire, c’est ça ?
– Qu’est-ce que c’est, un chat « ordinaire » ? répondit-il en se léchant nonchalamment la patte. Nous avons toujours été là, à observer, à comprendre, bien avant que vous ne commenciez à bâtir vos maisons en béton. Mais c’est vrai, je suppose qu’on ne me croiserait pas dans n’importe quelle ruelle.
– Mais… pourquoi l’immobilier ? Pourquoi pas quelque chose de plus… je ne sais pas… typiquement félin ?
– Oh, je chasse des souris aussi, ne vous méprenez pas. Mais les affaires immobilières, c’est beaucoup plus lucratif. Les propriétaires adorent savoir qu’un chat comme moi veille sur leurs biens. »

Je m’étranglais presque.

« Les propriétaires ? Vous leur parlez ?
– Parfois. Mais la plupart du temps, je laisse l’agence s’occuper de ça. Je suis plutôt discret.
– Discret… bien sûr, un chat qui travaille pour une agence immobilière. Ça devient de plus en plus absurde…
– Absurde pour vous, peut-être, mais pour moi c’est une routine bien rodée. J’ai même eu une promotion récemment.
– Une promotion ? répétais-je, abasourdi.
– Oui, je suis passé à superviseur de quartier. Je veille sur plusieurs greniers maintenant.
– Attendez… vous êtes sérieux. Vous surveillez des maisons ?
– Vous croyez que toutes les maisons sont sécurisées par des caméras et des alarmes ? La vraie sécurité, c’est moi. Personne ne prête attention à un chat.
– Et vous êtes payé… en croquettes, j’imagine ?
– Croquettes premium, précisa-t-il avec un clin d’œil. Mais pas que. Vous seriez surpris de ce qu’on peut obtenir avec un peu de négociation. Les humains pensent toujours que les chats sont paresseux, mais nous sommes des créatures d’opportunités. »

Je restais silencieux, essayant de digérer l’idée qu’un chat puisse être un agent immobilier doublé d’un détective de greniers.

« Vous devez avoir des concurrents…
– Évidemment. Les pigeons. Ils ont un réseau aérien assez impressionnant, mais ils manquent cruellement de subtilité. Puis, il y a les rats, bien sûr. Mais eux, ils ne sont pas fiables. Toujours à fourrer leur nez là où il ne faut pas. Non, je préfère travailler seul. »

Il se redressa, un éclat mystérieux dans le regard. Je le regardais : « Alors, vous avez une maison à surveiller ?
– Hmm, oui, plusieurs…
– Vous avez un nom ?
– Un nom, s’exclama t-il rigolant, non, les chats n’ont pas des idées idiotes comme les humains.
– Mais comment vous différenciez vous, alors ?
– Et bien, on se reconnaît, tout simplement.
– Ah bon.
– En parlant de nom, quel est le votre, monsieur ?
– Bernard.
– Très joli.
– Je vous remercie. Vous surveillez ma maison ? »

Le chat eut un léger mouvement de la queue, signe d’une profonde satisfaction.

« Qu’est-ce que vous croyez ? Bien sûr que oui.
– Qu’est-ce que vous savez… exactement ? lançai-je, tentant de dissimuler un frisson.
– Que vous habitez dans la rue de l’église, numéro 103. Vous vivez seul. Vous avez une sainte horreur du football. »

Je le regardai, ébahi. Comment ce chat pouvait-il en savoir autant sur moi ?
Je me redressai instinctivement, le souffle coupé. Comment pouvait-il être au courant de tout cela ?
Il se grattait l’oreille, comme si tout cela n’était qu’une formalité pour lui.

« Venez avec moi, dit-il soudainement, se levant sans plus d’explications.
– Attendez… quand je raconterai ça à mes amis, ils ne me croiront jamais. »

Le chat tourna la tête, ses yeux jaunes brillant dans la pénombre.

« Bien évidemment. »

Nous marchâmes quelques minutes, moi de plus en plus perplexe, lui avec l’assurance tranquille de ceux qui savent où ils vont. Il s’arrêta devant une petite ruelle qui se terminait en cul-de-sac.

« Je monte par la gouttière, mais je suppose que vous préférerez passer par la porte. Rejoignez-moi sur le toit.

Je levai un sourcil : « Oui… ça me semble plus logique. »

Le chat montra du museau une porte de l’autre côté de la rue, puis me lança un dernier regard énigmatique avant de bondir vers les hauteurs. Je franchissais la porte en état de choc, toujours bouleversé par les révélations de ce chat. Je traversais un couloir sombre et délabré et j’arrivais devant un escalier. Je montais prudemment les marches qui craquaient et rejoignait le chat qui me regardait avec un air calme. Il me jugeait.

« Me voici, dis-je.
– Vous en avez pris, du temps.
– Je ne suis pas comme vous.
– Je sais, soupira-t-il, quand je dis que l’être humain est une race bien inférieure à la nôtre…
– Que vouliez-vous me montrez ? dis-je, pour changer rapidement de conversation.
– Voici mon point d’observation », dit le chat.

Il m’invita du regard à me tourner vers la ville. Le soleil couchant était rouge derrière de grands immeubles.

« Et, de là, vous voyez vos bâtiments désaffectés ? dis-je.
– Oui, c’est ça, répondit le chat.
– Mais, pour les greniers, comment faites vous ?
– J’explore, ça fait partie de mon travail. Et puis, c’est important d’avoir une activité physique.
– Et vous trouvé beaucoup d’endroits ?
– Avant, oui, maintenant, un peu moins. C’est normal, les temps changent.
– Vous avez vendu beaucoup de greniers et d’endroits ?
– Cent cinq en trois ans de carrière.
– Vous êtes riche ?
– Les chats ne s’intéressent pas à la richesse. Sur ce, je dois y aller, ravi d’avoir fait votre connaissance.
– Au revoir, donc.
– Au revoir. »

Et le chat disparut dans la nuit…

  • Un chat.

Vive la privatisation

Au temps jadis, quand le monde était jeune encore et les banquiers pas trop présidents de la République, il y avait quelque chose qui s’appelait le service public. C’était, j’en conviens, un monde barbare où la concurrence libre et non faussée avait toutes les peines du monde à s’imposer, tant on était jaloux de garder le contrôle sur nos petites infrastructures.

Heureusement, quelques banquiers ont travaillé d’arrache-pied pour que ces horribles monopoles d’État soient déboulonnés, renversés, et offerts à la concupiscence d’un peuple libéré de ses bourreaux.

Ainsi, il fut un temps où on pouvait vivre sans être enregistré dans les livres de compte d’une banque. Mais bon, si on le souhaitait, on pouvait, dans le pire des cas, ouvrir un compte dans une banque. Et si ce n’était pas possible, vous vous tourniez vers la banque de France qui, quelle que soit votre situation, ne pouvait vous refuser l’ouverture d’un compte. Bon, d’accord, ça coûtait un bras. Mais, tout de même, on avait la possibilité d’avoir un compte bancaire.

On a ensuite décidé que toutes les banques devaient être privées. Pour, paraît-il, éviter que ça ne coûte un bras. Je ne vois pas bien en quoi confier quelque chose à un requin de la finance rendrait la chose moins chère pour le client, mais foin de mauvais esprit : adieu les banques publiques, la banque nationale de Paris devenait une simple BNP. Après cela, le compte bancaire est devenu obligatoire. La paie ne pouvait plus être versée en liquide. C’est ennuyeux. Oui mais voilà : toutes les banques étaient devenues des entreprises commerciales qui ne voyaient pas d’un bon œil mercantile les gueux se presser à leurs portes pour toucher la maigre paie qui leur permettrait de boire leur désespoir jusqu’à la dernière goutte. Le gueux n’est pas un bon client. Un bon client, c’est quelqu’un qui finit avec des agios tous les mois et qui les paie. Les surendettés ne sont pas des bons clients. Il a donc fallu que le législateur oblige ces établissements commerciaux à prendre comme clients des gens qui leur coûteraient des sous. Bien évidemment, il a fallu donner à ces banques le manque à gagner. On sent qu’on progresse, n’est-ce pas ?

Bien.

Quelque temps plus tard, les banques se sont rendu compte qu’elles avaient un peu de mal à rétribuer grassement leurs actionnaires. Je rappelle que la banque de France ou toute autre banque nationale n’avait à rétribuer personne (même si elles le faisaient). Mais bon. Kerviel et Madoff étant passés par là, les actionnaires deux fois floués faisaient la tronche pendant leurs parties fines. On raconte même que DSK aurait refusé une fois d’y aller, tant le patron du FMI était morose. Il fallait réagir. Trouver de l’argent à donner aux actionnaires. D’un commun accord, toutes ces banques, pourtant tenues par le principe de la concurrence libre et non faussée (c’est pas comme si elles se prêtaient de l’argent mutuellement entre elles, hein), ont décidé, en même temps et sans se concerter, comme c’est étonnant, de rendre les comptes payants.

Y’a pas à dire, la privatisation, ça fait faire des économies.

La vie c’est monotone

Il y a des gens qui, j’en suis sûr, rentrent chez eux après une dure journée de boulot. Ils quittent le travail, montent dans leur voiture, arrivent jusqu’à chez eux, passent prendre le courrier et s’assoient dans un canapé confortable un thé à la main.

Si c’est vous, je vous envie. Nantis.

Parce que dans la vraie vie, voilà comment les choses se passent. Après une rude journée de boulot, j’abandonne en disant que ça attendra demain, je n’en peux plus. Je monte dans ma voiture, j’ai confiance la batterie est neuve. Les pompiers passent, toutes sirènes hurlantes. Je me mets sur le côté pour dégager le passage. Du coup je touche le trottoir, je crève. Je change la roue, j’arrive chez moi. Les plombs des communs ont sauté. Je monte chercher un balai à tâtons, je réenclenche le disjoncteur qu’un esprit supérieur a trouvé intelligent de placer à 3 mètres de haut dans un escalier. Ensuite je passe 10 minutes à décoincer la serrure de la boîte aux lettres. Tout ça pour trouver une prune destinée à un autre esprit supérieur, ou peut-être le même, qui a décidé de faire une fausse plaque avec mon numéro d’immatriculation. Je découvre avec joie que la chasse d’eau fuit, ça manquait un peu d’ambiance. Je cherche un garagiste qui puisse changer les pneus sur une voiture hybride, apparemment c’est pas la même procédure que sur une voiture purement thermique. Les roues sont peut-être carrées, va savoir. Enfin, quand je dis que je cherche un garagiste… Je cherche d’abord à retrouver internet. Je redémarre la box, par pur réflexe, je descends dans l’armoire de répartition du quartier, y’a toujours cet esprit supérieur qui a décidé de débrancher quelques câbles dans cette armoire à la serrure pétée. Je trouve un garage. En congés. J’en trouve un autre, qui me propose un rendez-vous pour dans 3 mois, le temps de commander les pneus. On se croirait au temps de l’URSS. Pas étonnant qu’ils préfèrent les chenilles, s’il faut 3 mois pour avoir une paire de pneus. J’en trouve un à 1 heure de route. En région parisienne, c’est vrai que c’est compliqué d’avoir des pneus pour une citadine, c’est la cambrousse par ici, à part des 4×4, on trouve pas grand-chose…

Bon, je trouve un garagiste. Le 10ème pote que j’ai appelé pour raconter ma mésaventure me rappelle. C’est vrai que c’est surprenant, ce besoin de parler dans l’adversité. J’éprouve même le besoin de faire des phrases, c’est curieux. Enfin, c’est comme ça : je n’arrive jamais à avoir quelqu’un au téléphone à part ma mère. Je lui raconte (au pote, pas à ma mère) mes aventures, il se marre, se fout de moi, pendant ce temps-là j’essaie de payer. Carte bleue refusée.

22h30, je suis épuisé. Le courant n’a sauté que 4 fois ce soir, je m’estime heureux. Le garage avait une option pour payer sur place. Je suis sauvé. Pour peu qu’il accepte les chèques, bien entendu. Et qu’il ait bien compris que j’ai besoin de pneus 4 saisons, il serait fichu de me mettre des pneus été en décembre.

Doctolib

Dans un quart d’heure j’ai ma téléconsultation. J’ai le temps. Je vais me mettre dans une petite salle de réunion avec mon laptop, je serai bien. Je suis bien content, avec ça je suis tranquille, penses-tu : webcam intégrée, wifi, casque de visioconférence, c’est pratique la technologie. Même pas besoin de me déplacer sur la pause déjeuner pour mon suivi. Et puis c’est pratique pour le toubib, les gens peuvent prendre rendez-vous pendant un trou dans la journée.

Et voilà. Tiens, le wifi ne marche pas ? Bon, c’est pas grave je vais me mettre en filaire. ‘Faut trouver un câble… Ça ne se fait plus, on dirait. « Passe en wifi, passe en wifi », t’es marrant mais ton wifi il passe pas les murs en béton, et visiblement les répétiteurs ça coûte trop cher. Enfin, bon, voilà. Ah, cette prise-là marche pas. Ben oui, vu le nombre de fois qu’ils ont refait le réseau interne, y’a plus qu’une prise sur 4 qui marche. Ah non, c’est mon câble qui est pété. En même temps elles sont fragiles, ces petites languettes.

Bon, c’est câblé. Toujours ça de pris. Comment ça le laptop ne reconnaît pas sa propre caméra ? Non, c’est quoi c’te blague ? Le truc il est fourni avec une caméra intégrée il n’est pas foutu de savoir l’utiliser ? T’as raison, moi c’est pareil, dans ma voiture la boîte de vitesses elle n’est pas reliée au moteur en fait. Des fois qu’on puisse les utiliser ensemble. Bon, je vais chercher une webcam.

Non ? Il ne la reconnait pas non plus ? C’est codé avec les pieds ce système d’exploitation ? Bon, on va te remettre les idées en place. Redémarrage. Y’en a pour une minute grand max.

Grand max.

Ça fait 10 minutes là… J’ai 1/4 d’heure d’avance pour une téléconsultation, je vais trouver le moyen d’être en retard. Tant pis, je ferai la consultation depuis mon téléphone. Ah, c’est vrai, le wifi marche pas. C’est pas grave, je vais utiliser la 4G. Ah, la 4G ne passe pas à l’intérieur. C’est pas grave, je vais dehors. Ça ne passe pas non plus ?!? Argenteuil, zone blanche ? Genre on déploie la 5G en France et on n’est pas fichus d’avoir de la 4G dans la 3ème ville d’Ile de France ? Genre on est sous-développés ? Elon Musk, envoie tes satellites au-dessus de Paris, on est un peu faiblards en infrastructures, après tout on n’est qu’au G8. Un peu comme le Burkina Faso, quoi.

Tant pis je me connecte depuis mon poste de travail dans l’open space. Y’a pas grand-monde, tant pis pour la confidentialité, j’ai pas le choix. Ah, attends, le laptop a redémarré. Super. Comment ça mes identifiants ? Mais je viens de te les donner ? Validation par le téléphone ? Mais j’ai pas de réseau, à ton avis pourquoi je me bats depuis 20 minutes ? J’y serai allé à pied chez le toubib j’aurai été plus vite !

Bonjour docteur. Excusez mon retard, soucis techniques depuis 20 minutes. Ah. Je ne vous entends pas docteur. Une seconde, je change de casque. Voilà. Je vous entends docteur. Comment ? Vous vous ne m’entendez plus ? Ça grésille ? Ce casque je l’ai utilisé ce matin, docteur. Comment je vais ? Je suis fatigué docteur, j’ai l’impression de me battre contre des moulins. Oui ? Vous n’entendez pas ? Je sais bien docteur, qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse ? J’utilise du matériel qui est sensé marcher, ça fait une demie-heure que je me bats pour cette visioconférence.

Oui docteur, très bien docteur. Samedi midi à votre cabinet. Tout ça pour ça. Oui, docteur, j’y serai. Merci docteur. Ma carte vitale ? Ben oui, faudrait pas rater une facturation, hein. Ce serait dommage de se priver, c’est la Sécu qui paie pour ces foirages… Ah c’est beau le progrès. Deux consultations pour finir à l’ancienne, dans la salle d’attente, et après on se plaint que les français sont pas technophiles.

Allez, sur mes deux pieds, j’irai toujours plus loin que le cul sur une chaise en visio !

De la vertu de la prière.

« Je t’appelle ce soir.
– Je peux pas j’ai prière. »
Alors, ça ou piscine et poney, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Sérieusement. On parle de ton expulsion, là. Dans quelques jours tu te retrouves à la porte. Et tu ne peux pas passer un coup de fil parce que tu as rencard avec ton dieu.
Est-ce que ton pote imaginaire t’a déjà matériellement filé un coup de main ? Est-ce qu’il t’a déjà invité à dîner ? Genre, rien, une soupe et un bout de fromage. Il t’a déjà fait ça ? Non ? Tu vois je ne suis pas surpris. J’ai pas d’exemple sous la main qu’il ait un jour fait ça dans les 20 derniers siècles. D’une source fiable. Genre, une source religieuse et une source profane. En tout cas il n’a jamais intercédé auprès des établissements HLM, je te garantis qu’on l’aurait su. Ceux qui te demandent de prier sont des gens qui veulent que surtout tu n’agisses pas. Des fois que tu te sortes du trou. Ton pasteur, il a pas été condamné comme marchand de sommeil, des fois ? Si, hein ? Ben tu vois ça m’étonne pas. Tu vois, ton dieu il a tout le temps pour t’écouter. Moi je bosse et je peux pas t’appeler pendant les heures de bureau. Alors si pendant les autres heures tu as génuflexion, tu vois je vais pas pouvoir te filer un coup de main. Mais si dieu peut te signer un bail, moi je dis très bien, hein, ça m’évite des emmerdes. Écoute, je te laisse je te souhaite bonne chance, j’ai soupe populaire à distribuer.

Gêne éthique.

J’ai demandé à mon fils ce qu’est un bovin. « Ben, c’est un pinard qu’est joli, quoi. » Peut-être pas un Côtes du Rhône, mais un Châteauneuf du pape ça le fait.
J’ai une mauvaise influence sur lui. Je suis super fier.