De l’élégance de la non-expérience

Je continue sur mes boules… sur mes masses tombantes, suite au déchaînement des foules sur le sujet (mes foules ne sont pas nombreuses). Et donc, faire tomber des boules de pétanque un peu partout est certainement très enrichissant pour le joueur de pétanque et assez mauvais pour les carrelages, mais c’est surtout totalement inutile.

Oui, mes bien chers frères, il ne sert strictement à rien de mobiliser la plus grande chambre à vide du monde pour expérimenter l’indépendance de la chute libre quant à la masse. Il est admirable que Galilée n’ait joué avec ses boules que pour le plaisir de jouer avec ses boules (et peut-être, d’espérer fendre quelques crânes de passants).

Car la physique n’est pas nécessairement une science expérimentale. En fait, on préfère ne pas expérimenter : ça coûte moins cher et les résultats sont plus forts s’ils sont démontrés. Aussi vous donné-je ce jour la démonstration sans expérience qu’une balle de tennis tombe à la même vitesse qu’une boule de pétanque. Bande de vernis.

Appelons une masse pesante A et une autre Béatrice. C’est une simple convention, je veux dire on s’en fout, on peut prendre n’importe quel nom, vous avez déjà fait des problèmes à l’école tout de même ? On prend masse (A) < masse (Béatrice). Typiquement, A =  belle de tennis, Béatrice = lourde de pétanque. A peu près. Bien. Si la chute dépend de la masse, Béatrice devrait arriver avant A si A et Béatrice sont lâchées de la même hauteur au même instant. En conséquence, appelons Couple le système composé de A et Béatrice attachées ensemble. Nous avons alors masse (Couple) > masse (Béatrice) > masse (A). Couple arrive au sol avant Béatrice. Or, dans ce système, A tombe moins vite que Béatrice. A devrait donc ralentir Béatrice, et Couple devrait arriver au sol après Béatrice. Deux conclusions contradictoires à partir de la même hypothèse, cette hypothèse est donc fausse : la masse n’a rien à voir là-dedans.

Merci, vous pouvez disposer.

De graves ingénieurs

Suite au visionnage par un ingénieur de ceci : https://www.youtube.com/watch?v=E43-CfukEgs (pour ceux de mes lecteurs qui ne regardent pas de vidéo, il s’agit de la chambre à vide de la NASA utilisée pour observer le fait que dans le vide, tout tombe à la même vitesse), je vous propose une expérience enrichissante. Pour cette expérience, vous aurez besoin d’un bachelier de série S exerçant un métier technique, ayant moins de 30 ans. Un ingénieur, par exemple sans arrière-pensée, c’est très bien. Moi c’est ce que j’avais sous la main. Et moins de 30 ans, parce qu’au dessus, vous pouvez tomber sur moi, et je ne suis pas un bon sujet pour cette expérience.

Bien. Dites à votre bachelier ceci : « Imaginons tous deux une balle de tennis et une boule de pétanque, que nous tenons dans nos mains. Pour les non sportifs, une balle de tennis a, à la louche, le même diamètre qu’une boule de pétanque. Lâchons-les tous deux d’une hauteur d’homme. Qu’observons-nous ? »

Jouissez de la réponse. Notez la fourberie de la question ouverte. D’après mon expérience à moi réitérée plusieurs fois, vous allez pouvoir être effaré à peu de frais. Si le sujet s’embrouille un peu avec des « Ça tombe, euh… tout droit », profitez de son inquiétude et enfoncez le clou : « Quel objet tombe le plus vite ? ». Je rappelle qu’on s’adresse à des gens qui ont eu le baccalauréat scientifique et dont l’activité est technique. Moi, sur deux ingénieurs de moins de 30 ans, j’en ai eu deux qui se sont plantés.

La réponse est que les deux tombent à la même vitesse, au pouième de la résistance de l’air près. Et ne tolérez pas des « C’est peu, mais ça se voit » : la preuve en images ici https://www.youtube.com/watch?v=h9M93bchvZs Pour voir l’effet de la résistance de l’air, il faut 18 mètres de haut et des bouteilles de bière, si si, je vous laisse chercher.

Et donc, je suis interloqué de voir des spécialistes de la technique, des savants à usage industriel, des collègues même, deviser gaiement sur l’atterrissage de Philae sur une comète, s’écharper sur les vertus du calcul en virgule fixe sur GPU en multi-threadé et ne pas comprendre comment fonctionne l’application d’une force. C’est quand même du programme de seconde ou de troisième, c’est-à-dire de la filière générale. Filière générale que toi, oui, toi qui lis ce billet, là, tu as suivie : tu l’as vu au lycée ! Et tu ne savais pas non plus. Et ça se permet de se moquer des ingénieurs, c’est lamentable.

La semaine prochaine, nous verrons pourquoi, contrairement à ce qu’un ingénieur m’a affirmé après s’être rattrapé à la question précédente, on ne lévite pas dans le vide.

Littérature

Mesdames, messieurs, postérité,

Je voudrais profiter de cette tribune pour immortaliser l’œuvre d’un poète qui, quoi que débutant, laisse entrevoir une qualité desprogienne que bien des Prévert lui envieraient. Voici donc la première œuvre littéraire de mon fils, composée ce 7 décembre 2014 dans les vapeurs enivrantes d’un bain très très tiède :

La capucine, couplet dit « du bain »

Révérence

Dansons la capucine,

Y’a plein de l’eau chez nous.

C’est sec chez la voisine.

On fait des ploufs chez nous.

Révérence

N. S.

65 € l’internet ?

La nouvelle du jour est que le prix « juste » de l’internet est de 65 € par an. J’en tomberai si je n’étais déjà assis. Le n’importe quoi de ce chiffre est tellement immense que je me demande par quel bout le prendre.

Prenons-le de front, et même de front national et demandons-lui son origine. Il a été calculé en prenant les dépenses des annonceurs sur une année, divisées par le nombre d’internautes. Cela en fait-il un français de souche ? Là n’est pas la question. La question est : en quoi cela fait-il un « prix juste » de l’internet ?

La réponse est, je vous le donne en mille : en rien. Le seul enseignement de cette division à peine euclidienne est que nous, internautes, payons chacun de notre poche de l’ordre de 65 € annuellement pour être contraints à utiliser des bloqueurs de pub. Les ressources publicitaires ne viennent pas du néant, elles ne sont pas générées à partir du vide intersidéral comme une ligne de crédit à la BCE. Elles viennent des clients finaux, de vous et moi, qui paient pour des choses qu’on achète. Une partie de ce prix sert à faire de la réclame en général et de la réclame sur l’internet en particulier. On paie donc pour avoir de la réclame sur le ouèbe.

Je suis soufflé par l’absence vertigineuse de sens critique de tous ces médias qui reprennent cette information. Tous reprennent le mantra « c’est la publicité qui fait un internet gratuit. » sans se poser la moindre question sur la pertinence de cette proposition. Personne ne se souvient avoir fait un tour sur Wikipédia, pourtant le cinquième site le plus consulté et sans réclame. Cher visiteur qui venez vous perdre ici, j’espère que vous vîtes que notre relation n’est aucunement vénale. Les universités dispensent leur savoir sans pub. Quantité de sites ne sont pas affiliés à la publicité au grand dam de Google. J’espère que votre banque en ligne ne vous inonde pas de pub, les services gouvernementaux non plus. Et pourtant, ce sont des choses importantes, bien plus importantes que les critiques des derniers épisodes de Mon Petit Poney. Sans publicité, peut-être que le débat sur la couleur de la crinière d’un bisounours disparaît, peut-être. Mais ni Wikipédia ni impots.gouv.fr ne seraient impactés.

Et surtout, surtout : l’internet n’est pas le web. L’internet n’est que l’interconnexion de réseaux. Le peer-to-peer n’a pas de pub en soi, le transfert de fichiers non plus. Le mél utilise l’internet, il est essentiellement compris dans le prix de l’abonnement.

J’aime aussi la lecture des résultats du sondage. Un pignouf sur trois serait prêt à payer pour ne pas avoir de réclame sur le ouèbe. Et on trouve que c’est « encourageant ». Moi, je trouve que c’est désolant. Le prix de l’internet n’a même aucun sens. C’est l’interconnexion des réseaux, c’est ça l’Internet. Est-ce que vous seriez prêts à payer pour que votre lampe de bureau reste branchée sur le courant ? Est-ce que ça a seulement un sens ?  Et le ouèbe lui-même n’est qu’une convention, un protocole.

Je suis consterné.

Petite liste d’articles infâmants pour l’intelligence :

http://pro.clubic.com/webmarketing/publicite-en-ligne/actualite-742981-pub-opinionway-mozoo.html

http://www.20minutes.fr/economie/1493963-20141203-publicite-internet-50-francais-prets-payer-debarrasser

http://www.leparisien.fr/high-tech/les-francais-refusent-de-financer-un-internet-sans-publicite-03-12-2014-4346671.php

J’aime être pris pour une buse.

L’avantage des jours de congé, c’est qu’on peut dépiler la liste des choses à faire un jour ouvrable. L’inconvénient, c’est qu’on va passer sa journée à être pris pour un con. Deux sujets pour le prix d’un.

J’ai un problème chevelu. Le problème chevelu, c’est moi. Je coupe les cheveux de la famille, mais la famille ne me coupe pas les cheveux pour diverses raisons, la non moindre étant que je refuse de laisser l’usage de ciseaux à un individu incapable d’atteindre ma tête sans l’aide d’un escabeau. Bref, je dois recourir à un professionnel. Et il faut en trouver un, chose qui peut nécessiter un vrillage de neurones pour peu qu’on veuille le même service que celui qu’on fournit. Quand j’étais marmot, aller chez le coiffeur signifiait demander au premier pignouf avec une paire de ciseaux sur sa devanture s’il avait de la place, puis de faire la queue, ne pas trop bouger pendant 1/4 d’heure et se délester de 30 francs. Oui, je ne suis plus tout jeune. 30 francs, c’est 5 euros à la louche. Avec l’arrivée des Jacques Dessange et autres hurluberlus capillotractés, c’est 25 euros pour y passer 1/2 heure. Je fais mon savon depuis plusieurs années et refuse qu’on applique sur ma personne des bisphénols et autres perturbateurs endocriniens. Je vais donc chez le coiffeur les cheveux frais lavés par mes soins. Lequel coiffeur ne veut plus me les couper sans me les shampooiner avant. Il veut me facturer sa prestation plus cher sous prétexte qu’il fournit un service dont je ne veux pas et qui risque de m’intoxiquer, et surtout, c’est le shampooing ou pas de coupe. J’ai trouvé dans mon agglomération quelques coiffeurs à la mode Barbès, où l’on peut facilement se faire raccourcir pour 10 € et 10 minutes, tripotage de cuir chevelu exclu. M’y rendant ce matin à l’ouverture, je le trouve occupé. Je fais donc la queue pensant être le prochain client. Le premier quidam parti, une dame s’installe. Je n’avais pas compris qu’elle faisait la queue, c’est ma faute. Le coiffeur l’avait visiblement invitée à patienter assise. Bon, mon hernie n’aura pas la chance d’une telle proposition. Voyant le peu d’affluence, je pars chercher un paquet de couches et regagne la file. Une dame, arrivée entre-temps, interroge le coiffeur sur les modalités de l’abonnement. Oui, c’est curieux, hein, c’est un coiffeur à abonnement. Je patiente derrière elle. La dame part. Des gens viennent, me demandent si je fais la queue pour le coiffeur. Je leur répond par la positive, le premier client se met derrière moi et les autres, jugeant l’attente trop longue, s’en vont. 10 minutes plus tard, le coiffeur, dernier à remarquer ma présence, me demande ce que je souhaite. Je réponds. Le professionnel me signale alors qu’il a un autre client à servir, parti faire un tour pendant l’attente, et m’indique être disponible à 11 h – 11 h 05. Je suis arrivé à 10 h. Mon arthrose ne se fait toujours pas proposer les sièges vacants. La tentation de soulager mon dos par quelques pas me fait partir, puis revenir aussitôt pour apporter cette précision : « je repasserai ». A 11 h, à mon retour, la queue est importante. Je me poste devant le prestataire, qui termine son ouvrage et prend le premier de la file d’attente. A mon étonnement de n’être pas traité à la même enseigne que le client partant, il m’est répondu que je n’ai pas précisé que je souhaitais me faire couper les cheveux à ce moment-là. Je suis parti.

Rentré chez moi, j’appelle mon créancier. J’ai deux prêts chez lui. Un dont je reçois annuellement un court récapitulatif, un autre dont je n’ai pas de nouvelle depuis la souscription. Ayant besoin de documents quant au second, je les appelle.

« Bonjour, je suis Christophe-Oreste de Neuville. J’ai un prêt chez vous, et je ne reçois pas les courriers relatifs à icelui.

– Numéro de contrat ?

– 01 234 567 98.

– Pour confirmer votre identité, donnez-moi votre date de naissance et votre adresse actuelle. (je met en gras parce que ça va être très beau.)

– Dernière pluie, 57, impasse des désenchantements 145790 Malthus ville.

-Merci M. de Neuville. Que puis-je pour vous ?

– Je ne reçois pas vos courriers pour ce prêt. J’ai un autre prêt chez vous, je reçois bien les courriers, mais celui-ci, non. Et là j’en aurais besoin.

– Je vous les renvoie.

– C’est-à-dire que j’ai déjà appelé il y a deux semaines, vous les avez renvoyés et je ne les ai pas reçus. Sans vouloir paraître fat, je pense que les envoyer 50 fois ne me les fera pas recevoir une seule. Je n’ai jamais reçu le moindre courrier quant à ce prêt.

-[Je coupe le rappel de l’historique des opérations], et donc vous voulez le tableau d’amortissement ?

– Oui, non, enfin je veux surtout recevoir vos courriers.

– Restez en ligne.

[5 minutes]

Autre voix : – M. de Neuville ?

– Oui ?

– Alors ?

– Alors quoi ? Attendez, est-ce que votre collègue vous a expliqué ?

– Non. (je vous jure, je ne l’invente pas)

– Bla bla bla, courriers pas reçus.

– Ah mais c’est normal, on envoie un courrier uniquement au 5ème anniversaire.

– ??? Mais, sur l’autre prêt j’en reçois annuellement ?

– Ce n’est pas le même prêt, taux variable, taux fixe.

– Monsieur, ce sont les mêmes prêts, signés le même jour, aux mêmes conditions exactement.

– Non.

– Je… J’ai les contrats dans les mains.

– Vous n’avez pas reçu de courrier annuellement sur aucun prêt.

– Ils sont sous mes yeux.

– Je vous renvoie l’historique des courriers qui vous manquent.

– Merci, mais je n’ai pas reçu tous ceux que vous m’avez envoyé, peut-être qu’ils n’arriveront pas non plus, ceux-là ?

– Votre adresse est bien 84, boulevard des illusions perdues 00000 Surpeuplement ?

– Je… Vous vous rendez compte que vous avez vérifié mon identité avec une autre adresse ? Que l’autre prêt a une autre adresse ? Non, ce n’est pas mon adresse, comme vous l’avez vous-même vérifié il y a 20 minutes, comme vous le vérifiez à chaque fois que je vous appelle ?

– Ah, vous avez déménagé depuis la signature ?

– Sauf votre honneur, il s’agit d’un emprunt immobilier au titre de la résidence principale, comme indiqué dans le nom commercial du contrat. Je l’ai donc signé avec mon ancienne adresse pour déménager dans la nouvelle, celle qui est l’objet de ce prêt.  »

Bien, je vais maintenant plonger dans un océan de saucissons et de pâte à tartiner pour soigner mon amour-propre.

Nutrinet

Nutrinet, 37000 personnes interrogées, 5 ans d’études, un résultat marquant : les hommes préfèrent les chips et les femmes le Nutella. Voilà voilà.

Alors en France, n’est-ce pas, on est des bêtes de mathématiques fondamentales. Par contre, pour la statistique pratique, là on est mauvais.

Cours de français.

« Madame, vous utilisez des mots trop français.
-C’est raciste, ça. On est français ou on ne l’est pas, on n’est pas plus ou moins français. Par contre, que la subtilité de ma pensée vous soit inaccessible par manque de vocabulaire, ça je n’en doute pas. Mais foin de mauvais esprit, vous êtes au lycée pour apprendre, et il se sera pas dit que je vous aurai claqué au nez la porte de la connaissance. Aussi vous suggéré-je d’enrichir votre langage par la lecture d’ouvrages certes un peu ardus au premier abord, mais si riches et si plaisants les premières difficultés passées. De plus, l’auteur étant étranger (et non très étranger), il n’usera que peu d’artifices stylistiques si prompts à perdre le lecteur. Je vous conseille donc la série des Oui-oui. Dans un second temps et si des ouvrages un peu osés ne vous effraient pas , tentez Martine. Attention cependant, les auteurs sont francophones et maîtrisent le dictionnaire. »

Visitons le pays du formulaire E714.

Chers concitoyens, chers élus.

Quand je dis « chers élus », j’entends bien « chers » au sens littéral. Car bien évidemment, le lectorat baillant d’ennui entre deux séances de Facebook attendait la suite des aventures de l’urticaire et des vaches au pays du formulaire E714. Et donc, pour – il faut marteler ceci parce que c’est bien de cela qu’on cause, pour une boîte de lait pour bébé hypoallergénique disponible librement dans les pharmacies, il faut 3 (trois) visites chez le pédiatre, 2 (deux) passages à la mairie, et 4 (quatre) kilos de Prozac. Et traiter avec une calamité peut-être pire que les secrétaires médicaux : les secrétaires de mairie.

Sérieusement, quand l’administratif bloque le productif, c’est qu’il y a un problème dans le service.

Donc, première étape : nous nous rendons compte que notre bonhomme ne supporte pas le lait de vache. Nous en avisons la crèche, qui ne peut pas changer de lait comme cela. Nous allons chez le pédiatre pour une ordonnance. « Kling », fait le trou de la sécu.

Deuxième étape : munis de cette ordonnance, nous nous rendons compte qu’elle est ausi utile qu’une bicyclette à un poisson. Car elle ne convient pas à la crèche. A la crèche, il faut un certificat. Il reste deux semaines avant que la crèche n’interdise le lait maternel et ne donne du lait en poudre, à base de lait de vache, que notre bonhomme ne supporte pas (il crie, pleure, cesse de s’alimenter, ne dort plus, vomit, fait de l’urticaire, une rhinite, bref, un programme de haute voltige). Retour chez le pédiatre. « Kling », fait le trou de la sécu.

Troisième étape : nous déposons le certificat à la mairie. Ce Graal (car il fournit repas sain(t)s en abondance) n’est pas suffisant. Pas suffisant ? Un certificat d’un médecin, une ordonnance du même cabinet pour un lait hypoallergénique, la mention du problème par l’assistante maternelle et les parents, sans parler des hurlements du principal concerné, pas suffisant ?!?

Oui, insuffisant. Les secrétaires vont maintenant rédiger un protocole personnalisé. Rédiger un protocole personnalisé, ça veut dire écrire sur un papelard pré-imprimé en deux exemplaires l’état civil du bébé et les coordonnées des parents avec des fautes, des inversions, et, tenez-vous bien : différentes d’un exemplaire à l’autre ! Ah oui, tant qu’à se gourer, autant se gourer différemment. Sauvage, c’est dur à orthographier, tout de même. Ce protocole devra être signé par les parents et le pédiatre, le reste, la crèche se débrouille. Devinez ce que fait le trou de la sécu ? Non, pas ce coup-ci, le pédiatre, lassé de facturer des travaux de gratte-papier, nous offrira sa griffe. Notez que notre petit bout n’est plus qu’à une semaine de sa grève de la faim, vu que le service petite enfance n’a pas su nous donner un exemplaire vierge pour que nous le « personnalisions » : il a fallu repartir de la mairie les mains vides, et attendre sagement que le facteur daigne nous l’apporter. Et après, c’est nous qui sommes lents.

Quatrième étape : dans 24 heures, adieu lait. Mais tout va bien, maman fait la navette entre le pédiatre, le boulot et la mairie. Sauf que papa se pose une question : c’est quoi cette autorisation parentale, citée dans les pièces à joindre ? La secrétaire de mairie nous le confirme : il s’agit de l’autorisation que nous avons reçue avec le protocole. Donc, non contents d’être nuls en recopiage, ils ne sont pas fichus de mettre un papier dans une enveloppe. Je croyais que les secrétaires avaient une formation en communication écrite. Mais si on court dans tout Guyancourt depuis quinze jours, qu’on demande, qu’on réclame à cor et à cri ton pro(c)tocole, elle n’est pas évidente, ton autorisation ?

Passons sur les « mais ce n’est qu’une remarque », nous avons réussi à satisfaire l’oligarchie administrative. Mais, nom de nom de bon sang de bonsoir, que peut une mère célibataire qui fait les 3 x 8 face à l’inertie et la suffisance de cette administration ? Certains esprits chagrins pourraient même faire remarquer qu’en ces périodes de restrictions budgétaires, on paie pour se faire mettre des bâtons dans les roues.

Le pays des larmes de lait

L’OMS recommande l’allaitement maternel pour les nourrissons sans limite de fin. L’OMS est l’Organisation Mondiale de la Santé.

À Guyancourt, il est possible de nourrir son enfant en crèche avec du lait maternel, moyennant des règles de sécurité qu’on ne rencontre plus guère que dans les labos P4, jusqu’à ses 6 mois. À 6 mois et un jour, adieu maman. Nous nous enquîmes auprès de la mairie des raisons de ce mépris du plan Nutrition Santé national (cocorico) et de l’OMS (qui a à son actif, tout de même, l’éradication d’une maladie).

Madame,

Nous sommes parents d’un petit garçon qui va rentrer à la crèche (crèche familiale, chez une assistante maternelle) à partir de  septembre prochain. Lors de la finalisation de son inscription, nous avons appris, à notre grande surprise, qu’il n’est possible  de continuer l’allaitement maternel en crèche que jusqu’aux six mois de l’enfant, et sous la condition d’accepter le  protocole prévu à cet effet.

Nous comprenons bien la nécessité de respecter des normes sanitaires strictes. Néanmoins, ce protocole nous semble un peu contraignant, en particulier l’impossibilité de fournir du lait congelé, pratique pourtant acceptée et bien maîtrisée par exemple par les lactariums, très soucieux de sécurité sanitaire. De plus, nous sommes profondément déçus par les restrictions apportées à l’allaitement après six mois. En effet, conformément aux recommandations de la société française de pédiatrie, de l’OMS et de la Haute Autorité de la Santé, nous souhaitions que notre fils puisse profiter un maximum du lait de sa mère, volonté rendue caduque si nous sommes contraints de passer à un allaitement mixte à partir de ses six mois.

Pourtant, il ne nous semble pas que le fait de fournir le lait de la mère à l’assistante maternelle pose de grandes difficultés, hormis peut-être pour la mère elle-même qui doit gérer l’extraction du lait en plus du reste. De fait, cette solution est actuellement acceptée dans la plupart des crèches de la région, et celles de Paris ont même publié un document à cet effet, visant à favoriser l’allaitement maternel.

Aussi aurions-nous voulu savoir ce qui motive le règlement en vigueur à Guyancourt – dont nous souhaiterions vivement la révision – car nous le trouvons particulièrement dommage, non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour toutes les familles concernées de Guyancourt.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer Madame, l’expression de notre considération respectueuse.

Je ne résiste pas au plaisir de retranscrire la réponse :

Madame, Monsieur,

J’ai lu avec attention votre courrier relatif au protocole d’allaiternent maternel de la Ville de Guyancourt.

La mise en place de ce protocole d’allaitement maternel a fait l’objet d’un groupe de travail.

J’entends bien que ce protocole puisse vous apparaitre comme restrictif. Toutefois, il permet de garantir au mieux les normes sanitaires et de sécurités alimentaires des enfants bénéficiant d’un protocole d’accueil individualisé d’allaitement.

Dans ce cadre, la Ville met à votre disposition le matériel de transport isotherme de biberon qui sera remis à l’assistante maternelle à une température inférieure ou égale à 4°C.

Concernant l’allaíternent, vous pourrez tout à fait le poursuivre matin et soir au-delà du sixième mois de votre enfant.

En effet, la mise en place de la diversification alimentaire entre le quatrième et le sixième mois permet ainsi l’introduction de produits lactés qui correspondent aux besoins nutritionnels d’un enfant de cet âge.

Je tiens également a vous préciser qu’aucune obligation de consommation de lait maternisé n’est imposée. Cependant, dans l’hypothèse où le lait maternel serait impropre à la consommation ou en quantité insuffisante ou pour tout autre problème de derniere minute, il vous est demandé de fournir une boîte de lait hypoallergique.

Je vous prie d‘agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

Pour le Maire Empéché
L’Adjointe au Maire Déléguée

Voilà. Que nous apprend cette missive ? Tout d’abord, qu’il ne faut pas écrire à la mairie quand on veut une réponse à une question, voire une justification. Et qu’ils feraient mieux de ne pas dire qu’ils ont lu avec attention, on pourrait les prendre pour des illettrés.

Mais plus en détail. La mise en place du tralala a fait l’objet d’un groupe de travail. J’en suis fort aise. Et je tiens à signaler que le protocole de partage des ressources alimentaires mondiales a fait l’objet d’un groupe de travail également, groupe constitué de Bébert et de moi-même, la semaine dernière, au café des sports. Un problème de réglé, et croyez-moi, c’est d’un autre niveau.

Pour les étudiants en médecine qui se destinent à la pédiatrie, je me permets de signaler que la diversification alimentaire, qui est censée éviter le recours à un autre lait que le maternel, ne commence plus avant six mois. Je maintiens même, personnellement, des relations diplomatiques avec des bébés qui n’ont commencé à téter de la purée qu’après 8 mois. Alors, messieurs-dames, votre groupe de travail n’est certainement pas au point avec les pédiatres de la ville. Conséquemment, le lait maternel étant interdit, le lait maternisé est donc imposé. Quant aux difficultés de mise en oeuvre, j’attends de savoir en quoi c’est difficile, en crèche, de gérer l’allaitement maternel au-delà de six mois. Étant donné que c’est géré avant.

Pour les esprits forts qui ont su voir que l’OMS n’est pas citée dans ce courrier, aux dernières nouvelles, les recommandations de cet organisme s’appliquent au monde. Or tout chauvin que je suis, force m’a été de reconnaître que la France en fait partie. Du coup, j’aimerais que l’on m’explique ce qu’on entend quand on me dit que ces conseils ne s’appliquent pas à notre société – « on » dépassant largement le cadre de la population communale.

Ce qui me chiffone, c’est qu’on arrive à rendre humainement compliqué ce qui est mammairement simple depuis, Darwin me pince, quelques centaines de millions d’années.